« La mise en lumière de « rôles modèles » féminins est essentielle. » Patricia Vialle, réseau Femmes du MEDEF

Entretien avec Patricia Vialle, présidente du réseau Femmes du MEDEF

Si la France compte 46 % de femmes dans les conseils d’administration, elles ne sont que 27 % dans les équipes de direction et 10 à la tête d’une grande entreprise, selon Equileap. Comment expliquez-vous cette absence des femmes aux postes de gouvernance ?

La féminisation de l’économie relève d’enjeux de représentativité, de compétences et d’engagement au sein des entreprises, il est nécessaire de lever les freins qui peuvent empêcher l’accès des femmes aux plus hauts niveaux de responsabilités. La représentation des femmes au sein des instances de gouvernance ne cesse de s’améliorer. En effet, selon le dernier baromètre de l’Institut Français des Administrateurs et d’Ethics & Boards, 45 % des sociétés du CAC 40 ont d’ores et déjà atteint ou dépassé le seuil de 30 % de femmes dans les Comex, de même que 44,2 % de celles du SBF 120. C’est une avancée considérable ! Toutefois, des inégalités persistent entre les femmes et les hommes en termes d’avancement de carrières, notamment du fait de stéréotypes qui font peser une plus grande charge familiale sur les femmes et qui assimilent certains métiers et secteurs à des caractéristiques masculines ou féminines.

« La mise en lumière de « rôles modèles » féminins inspirant d’autres femmes à se positionner pour des postes à responsabilité est essentielle. »

Comment améliorer cette situation ?

De nombreuses pratiques volontaristes font avancer l’égalité entre les femmes et les hommes en s’adaptant notamment à la démographie de chaque entreprise. La mise en lumière de « rôles modèles » féminins inspirant d’autres femmes à se positionner pour des postes à responsabilité est essentielle. C’est d’ailleurs un des objectifs de notre réseau Femmes du MEDEF, créé en 2019, qui vise également à féminiser les instances de gouvernance de notre organisation et de nos adhérents, ainsi que d’inciter les femmes à se saisir de mandats patronaux partout en France. Par ailleurs, la création de viviers de talents en entreprise, la meilleure prise en compte des sujets de parentalité, d’aidance familiale ainsi que la signature d’accords innovants relatifs à l’égalité professionnelle sont des bonnes pratiques qu’il convient de mieux valoriser.

Vous présidez depuis septembre le réseau Femmes du MEDEF. Quelles sont vos ambitions à ce poste ?

Nous avons des objectifs ambitieux pour les prochaines années ! Nous souhaitons développer l’ancrage et la portée de ce réseau partout en France afin d’accompagner davantage de femmes dirigeantes à se rendre visibles.

Nous avons 3 axes d’actions :

  • mettre en lumière les initiatives lancées par les 25 réseaux territoriaux existants afin d’inspirer davantage de territoires à lancer leur réseau et aboutir à une couverture complète du territoire ;
  • animer le réseau au niveau national en organisant des sessions de formation et de sensibilisation à destination des membres du réseau Femmes du MEDEF partout en France ;
  • être en soutien des réseaux territoriaux qui souhaitent se lancer en les accompagnant dans l’élaboration de leur plan d’action et l’animation de leur réseau afin d’améliorer la représentation des femmes au sein de leurs instances.
Plus généralement, les femmes n’ont-elles pas tendance à s’interdire l’accès à certaines professions comme on peut le constater dans les métiers scientifiques ou numériques ?

La question de la mixité des métiers est centrale. Aujourd’hui, le marché du travail est encore largement segmenté entre des secteurs traditionnellement masculins (technologie, ingénierie, BTP) et des secteurs dits féminins (éducation, soins, services). 28,5 % des actifs travaillant dans le secteur de l’industrie et 29 % des effectifs du numérique, dont 16 % au sein des métiers techniques, sont des femmes. De plus, il est impossible pour les entreprises d’agir directement sur l’offre de compétences disponibles, les viviers de talents féminins étant très limités en sortie d’études. En effet, 32 % des lycéennes choisissent deux enseignements de spécialité scientifique en terminale générale contre 50 % des lycéens, 30 % des étudiants dans les filières d’ingénieurs et 32 % des étudiants en sciences fondamentales à l’université sont des femmes. Ces inégalités ne peuvent donc être corrigées que par une action conjointe des pouvoir publics, des établissements d’enseignement supérieurs et des entreprises, en amont, notamment dans l’éducation et la formation professionnelle. Nous agissons activement afin de valoriser les parcours de femmes cheffes d’entreprise dans des domaines dits « masculins », et de nombreux réseaux Femmes du MEDEF territoriaux ont lancé des programmes de mentorat à destination de jeunes filles, afin d’élargir leurs perspectives de carrières.

« Nous agissons activement afin de valoriser les parcours de femmes cheffes d’entreprise dans des domaines dits « masculins ». »

Les femmes sont aussi moins représentées chez les créateurs d’entreprise. Comment changer la donne ?

En effet, les femmes, bien qu’elles représentent près de la moitié de la population active, ne sont que 28 % à participer à la chaîne entrepreneuriale (depuis l’intention de créer jusqu’à la cessation/vente de leur activité). Parmi les créateurs d’entreprise, elles représentent une proportion plus élevée, à savoir 40 %. Les dernières données sur la création d’entreprise produites par le MEDEF et la CCI France montrent que bien que les femmes soient autant intéressées que les hommes par l’entrepreneuriat (26 % pour les femmes, 23 % pour les hommes, jusqu’à 53 % pour les femmes entre 25 et 35 ans), elles craignent davantage de perdre leur équilibre entre vie professionnelle et vie privée en dirigeant une entreprise.

Par ailleurs, le syndrome de l’imposteur peut également en partie expliquer cette sous-représentation des femmes entrepreneures, les amenant à se lancer en moyenne deux fois plus tard que les hommes. Ainsi, il est nécessaire de mettre en avant la richesse et la diversité des parcours des femmes entrepreneures, comme nous le faisons au sein du réseau Femmes du MEDEF, afin de partager des expériences, des conseils et de créer des modèles pour inspirer les femmes souhaitant se lancer dans l’entrepreneuriat.

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