Bilan des États généraux de la Justice et Justice consulaire

Les préconisations du MEDEF

À l’heure où la nécessité de penser l’avenir de l’institution judiciaire appelle à la réflexion commune, il apparait essentiel de reconsidérer le fonctionnement de la justice économique. Concernant la justice consulaire, le bilan s’avère contrasté.

Les auditions menées par le groupe de travail dans le cadre des États Généraux de la Justice[1] ont permis au MEDEF, par le prisme des concertations réalisées auprès de ses adhérents et de personnalités qualifiées, de partager des constats et de formuler des pistes d’amélioration fortes. Si la lecture du rapport du comité, remis au Président de la République le 8 juillet 2022, révèle parfois des propositions compatibles avec les besoins identifiés de la justice économique ; d’autres propositions posent de véritables interrogations voire suscitent l’inquiétude.

Les propositions sur lesquelles une convergence de vue est possible

La proposition de mise en place, à titre expérimental, d’un Tribunal des affaires économiques (TAE) répond à un besoin d’élargissement des compétences qui s’est ancré dans la pratique des juges consulaires au cours des dernières années. Dans les faits, le MEDEF ne s’oppose pas à la création d’un « Tribunal unique de l’économie », aligné sur une logique de désengorgement des tribunaux judiciaires et de clarification de l’organisation judiciaire. Le MEDEF en appelle toutefois à la nécessité de prendre en compte chaque réalité locale, dans une logique respectueuse de l’aménagement du territoire et de la compétence attribuée aux tribunaux de commerce.

Le dispositif repris par le comité dans son rapport, s’appuierait sur une compétence élargie dévolue aux tribunaux de commerce, alignée sur un traitement plus global des difficultés de l’entrepreneur. Il permettrait ainsi à la justice consulaire de connaître de toutes les procédures amiables et collectives, excepté les baux commerciaux et les affaires de propriété intellectuelle qui demeurent exclues au profit d’une filière juridictionnelle unique.

La proposition de détachement d’assistants judiciaires dans les tribunaux de commerce est également de nature à accroitre l’efficacité dans le traitement des affaires. Outre un palliatif des besoins en moyens généraux, dont manque cruellement la justice consulaire, l’intégration de profils diversifiés (juristes ou économistes ; étudiants) pourrait procurer un renforcement technique appréciable, autant qu’elle contribuerait à une meilleure formation de ces derniers par la transmission du savoir de juges consulaires expérimentés.

Enfin, la célérité constitue un facteur déterminant dans la gestion des affaires, elle est la garantie du respect du temps économique et d’une attractivité forte pour nos entreprises. Aussi, faut-il saluer la proposition visant à instaurer un référé « sauvegarde de l’entreprise » intervenant dans un délai de quarante-huit heures afin que des mesures d’urgence puissent être prises. Le MEDEF reste néanmoins attentif aux modalités du dispositif qui n’ont pas été explicitées dans le rapport.

Les propositions suscitant notre vigilance voire notre opposition

Nous appelons l’attention sur le fait que certaines propositions aboutissent en réalité à mettre en place un échevinage (par une intégration de magistrats professionnels dans les formations de jugement), telle la création au sein du TAE d’une chambre mixte des sanctions des procédures collectives qui serait présidée par un magistrat de carrière de premier grade. Le MEDEF est résolument opposé à cette proposition : la justice consulaire est en l’état peu coûteuse et performante et rendue par des entrepreneurs pour les entrepreneurs. Le MEDEF n’est pour autant pas opposé à un croisement des expertises techniques.

En second lieu, la question du financement demeure entière. Le MEDEF chiffrait un besoin budgétaire total au niveau national à hauteur de 5 millions d’euros. Si, à titre expérimental, une participation des requérants venait à être demandée, elle devrait non seulement être fonction des capacités contributives de chacune des parties et être transparente mais sa recette devrait aussi être intégralement fléchée vers l’amélioration de la seule justice économique selon un principe de spécialité. Le MEDEF en appelle à la plus grande vigilance sur les modalités d’affectation spéciale de ces recettes.

Les demandes additionnelles du MEDEF

Les auditions des juges consulaires ont permis d’établir leur souhait et la nécessité de moderniser la formation dont ils bénéficient. Les juges appellent de leurs vœux l’instauration d’une véritable politique de formation continue, renforcée et modernisée, à partir d’une formation initiale de haut niveau et adaptée aux besoins spécifiques de chaque tribunal de commerce. Nous regrettons que les propositions du rapport n’aillent pas davantage dans cette direction.

Enfin, la justice économique doit engager son émancipation économique vis-à-vis des greffes des tribunaux de commerce. Il nous semble impératif de développer un budget favorisant la transition numérique et l’acquisition de moyens matériels essentiels (téléphonie, informatique, consommables). Plus généralement, une mutualisation des ressources et des compétences des tribunaux de commerce au sein du ressort d’une même Cour d’appel serait pertinente et bienvenue.

[1] Les auditions ont été menées entre octobre 2021 et avril 2022

 

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