« Crise du COVID-19 : Comment renaître ? » Entretien avec Daniel Weizmann, Président du MEDEF Île-de-France

Article paru dans #MagCAPIDF, août 2020

Daniel Weizmann, Président du MEDEF Île-de-France a été très actif et présent auprès des entreprises dès le début de la crise sanitaire. Il nous livre sa vision de la situation économique et des perspectives de rebond.

Dans quel état d’esprit les entreprises franciliennes abordent-elles cette rentrée et quelles sont les perspectives de ces prochains mois ?

Les entreprises ont été « sonnées » par l’ampleur et les conséquences de cette crise inédite sur notre économie. Elles ont vécu quatre mois catastrophiques durant lesquels elles ont perdu leurs marges, puisé dans leurs trésoreries et en ressortent avec des bilans fortement dégradés. Mais passé le KO, elles sont reparties au combat, même si les perspectives restent encore bien floues. Dans de nombreux secteurs les carnets de commande restent à de faibles niveaux et les dirigeants manquent de visibilité pour véritablement s’engager. Or, pour tourner, l’économie a besoin de confiance. Un chef d’entreprise confiant est un chef d’entreprise qui prend des risques et qui investit.

Quels sont les principaux leviers à actionner pour espérer rebondir ?

Tout d’abord, il convient de relancer la consommation des ménages. Ils ont fortement épargné pendant le confinement, il faut les inciter à libérer cette épargne et à la rediriger vers l’économie, par exemple par le déblocage anticipé de la participation et de l’intéressement. Le succès de la prime à la conversion dans le secteur automobile, a démontré toute l’efficacité de ce type de mesures. Au niveau des entreprises, l’activité partielle doit être maintenue dans les secteurs les plus en difficulté. Il faut restaurer les trésoreries et renforcer les fonds propres, par des reports d’échéances fiscales ou des remboursements par anticipation des crédits d’impôts. Et pourquoi ne pas imaginer un PGE de relance pour permettre aux entreprises d’investir ? L’investissement doit être dirigé vers les secteurs d’avenir comme la transition écologique qui est un axe puissant de développement, au travers notamment de la rénovation énergétique des bâtiments ou des mobilités propres. Et pour l’encourager, on pourrait tout à fait imaginer là aussi un PGE vert. Enfin, il nous faudra être particulièrement attentif à l’arrivée compliquée sur le marché du travail de près de 700 000 jeunes, en veillant à accompagner l’application des mesures favorisant leur accès à l’emploi et la relance de l’apprentissage.

« Et pourquoi ne pas imaginer un PGE de relance pour permettre aux entreprises d’investir ? »

À la faveur de la relance, ne faudrait-il pas aussi revoir la fiscalité qui pèse sur les entreprises et les handicape plus encore en période de crise ?

Beaucoup d’entreprises ont des trésoreries exsangues au moment d’aborder la rentrée. Dans le même temps, les impôts de production : la taxe sur les salaires, les versements mobilités, la contribution économique territoriale, les taxes foncières et la contribution sociale de solidarité des sociétés, représentent 70 milliards d’euros quand ils n’en coûtent que 10 milliards en Allemagne. Cette situation n’est plus tenable si nous voulons rester compétitifs. Il faut aller vers une défiscalisation importante de ces impôts (un abattement des charges sociales) contre un engagement des entreprises à investir dans l’appareil productif. L’annonce par le Premier ministre qu’ils baisseront de 20 milliards est une bonne chose, mais attendons d’en connaître les modalités d’application. Il faut des gestes forts du gouvernement tant en faveur des entreprises que des ménages pour rétablir la confiance. Sinon, la reprise risque de ne pas être aussi active qu’espérée.

« Il faut des gestes forts du gouvernement tant en faveur des entreprises que des ménages pour rétablir la confiance »

Cette crise inédite doit-elle nous inciter à repenser nos modèles économiques ?

Beaucoup de paradigmes ont évolué au cours de ces derniers mois. Le télétravail est venu percuter nos modes de fonctionnement. Beaucoup de salariés l’on apprécié, car il leur a permis de se réapproprier du temps, celui économisé sur les transports qui est source de stress, et finalement d’être plus concentrés sur leur tâche. Les barrières sur la durée du travail sont en train d’exploser, le travail dominical sera un sujet de réflexion de ces prochains mois tout comme le travail indépendant, ou le prêt de main d’œuvre entre entreprises. Tout ceci va nous amener à reconsidérer l’organisation du travail au sein de l’entreprise, tout en veillant à maintenir l’indispensable lien social. Parallèlement, les enseignements de la crise nous incitent à relocaliser certaines activités ciblées pour les filières stratégiques, à commencer par la santé. À cela s’ajoute l’urgence climatique à laquelle nous devons apporter des solutions pérennes. Donc, indéniablement, il nous faut revoir nos schémas. Mais cela ne peut se faire que dans le cadre d’une stratégie globale qui, pour être efficace, doit se penser à l’échelle européenne.

 

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