Entretien avec Françoise Latil, présidente de la Fédération des Distributeurs de Matériaux de Construction (FDMC) Grand Paris Île-de-France
Comment se porte votre secteur en Île-de-France et quelles sont les perspectives des prochains mois ?
Les distributeurs de matériaux connaissent un réel dynamisme et une activité soutenue en dépit des difficultés d’approvisionnement et des hausses importantes des matières premières. Le chiffre d’affaires progresse sur un an de 5 % au 1er trimestre 2023, après une croissance d’environ 7 % en 2022. Le marché porté par la rénovation énergétique, les travaux du Grand Paris et ceux des JO 2024. Une tendance qui devrait se maintenir jusqu’à la fin 2023. En revanche, nous partageons les inquiétudes des autres organisations professionnelles de la filière, en ce qui concerne la construction neuve qui a fortement ralenti en raison de la hausse des taux d’intérêt et des prix, et d’une forte réduction des permis de construire.
Quel est l’impact de la hausse des matières premières sur votre activité ?
En 2 ans, la hausse des coûts des matériaux a atteint plus de 20 %. Le bois, les métaux, le plastique et l’énergie ont subi des hausses très importantes. Les fortes demandes mondiales ont entraîné des pénuries et nos entreprises ont été confrontées à des retards d’approvisionnement, allongeant nos délais de livraison, et certains retards sur des chantiers. Pour satisfaire leurs clients face à ces hausses successives, les distributeurs ont dû s’adapter en proposant des produits de substitution. Depuis peu, on constate une baisse des prix de matières premières comme le bois et les métaux, mais pour le coût de l’énergie les perspectives sont plus difficiles à évaluer. La situation demeure instable en raison d’un climat d’incertitude alimenté par la chute de la construction dans le logement neuf et l’atonie de la commande publique.
La profession rencontre-t-elle des difficultés de recrutement et comment parvenez-vous à attirer vers vos métiers ?
Nous rencontrons de grandes difficultés dans le recrutement de postes tels que vendeurs conseil sédentaires, commerciaux itinérants, ou chauffeurs poids lourds. Pour remédier à cette situation, la FDMC et son OPCO Constructys, sont très actifs pour améliorer l’insertion professionnelle des jeunes en s’appuyant sur l’apprentissage, les outils numériques et les salons emploi/formation/orientation. Des fiches métiers ont été élaborées mettant en avant les perspectives d’évolution dans nos négoces. Nos métiers offrent de belles perspectives pour les demandeurs d’emploi car nous sommes au cœur de la rénovation du bâtiment. Les mentalités changent et les embauches sont boostées par l’apprentissage. L’aide à l’embauche d’alternants révisée et prolongée jusqu’en 2027 continue à soutenir un dispositif de formations pour l’emploi des jeunes. En partenariat avec Constructys et Pôle emploi, nous élaborons la mise en place du POEC (préparation opérationnelle à l’emploi), un mécanisme qui permet de former des demandeurs d’emploi sur des métiers particulièrement recherchés dans notre secteur d’activité. Notre fédération travaille sur la mise en place d’un engagement de développement de l’emploi et des compétences (EDEC), un accord annuel ou pluriannuel conclu entre l’État et notre branche professionnelle, apportant une aide technique et financière afin d’anticiper et accompagner l’évolution des emplois et des qualifications en sécurisant les parcours professionnels.
« NOTRE FÉDÉRATION TRAVAILLE SUR LA MISE EN PLACE D’UN ENGAGEMENT DE DÉVELOPPEMENT DE L’EMPLOI ET DES COMPÉTENCES (EDEC), APPORTANT UNE AIDE TECHNIQUE ET FINANCIÈRE AFIN D’ANTICIPER ET ACCOMPAGNER L’ÉVOLUTION DES EMPLOIS ET DES QUALIFICATIONS EN SÉCURISANT LES PARCOURS PROFESSIONNELS. »
Comment accompagnez-vous vos adhérents sur les questions environnementales et les nouvelles obligations en matière de recyclage des déchets ?
Le Négoce est devenu un pivot central entre nos industriels et nos clients sur toutes les questions environnementales et d’économie circulaire, tout en préservant la rentabilité de nos entreprises. Dans le domaine de la construction durable et de la rénovation, le choix des matériaux est crucial. Ils doivent tenir compte non seulement de l’impact énergétique et environnemental, mais également de leur durée de vie, de l’exploitation au recyclage. Comment améliorer la qualité des logements tout en réduisant les consommations d’énergie ? Sommes-nous disposés à investir dans une construction écologique ? Les matériaux sont désormais considérés dans l’Analyse du Cycle de Vie (ACV). Il est en effet important d’examiner l’impact environnemental complet d’un matériau, à chaque étape de sa vie. Nos fournisseurs industriels y travaillent et investissent de plus en plus ces dernières années. Notre fédération sensibilise ses adhérents lors de nombreuses commissions auxquelles participent les acteurs professionnels. Les distributeurs proches des artisans et des entrepreneurs doivent être à l’écoute, se former, et vendre des produits dans une démarche de développement durable. La reprise des produits du bâtiment, leur tri et le recyclage sont un immense challenge pour toute la filière du BTP à l’origine de 46 millions de tonnes de déchets par an en France. Nous œuvrons à la mise en place progressive de la REP PMCB (responsabilité élargie du producteur des produits et matériaux de construction du bâtiment). Les distributeurs de matériaux et les enseignes de bricolage de plus de 4000 m² ont l’obligation d’adhérer à un éco-organisme et de devenir points de collecte au 1er janvier 2024. Mais ce seuil est trop bas et va aboutir à une multiplication des points de collecte au détriment de l’efficience économique du modèle imaginé par le législateur. Notre fédération et ses relais régionaux continuent de demander une modification du seuil et un maillage équilibré des points de reprise. À cela s’ajoutent les nouvelles obligations de la loi AGEC pour les industriels, d’agir sur l’ensemble du cycle de vie des produits.
Les chiffres clés de la filière en Île-de-France
- 12 636 14,9% des salariés (1re région de France)
- 522 (12,3 %) des sièges d’entreprises (2e région après AURA)
- 370 (14 %) contrats d’apprentissage en 2021 (1re région de France)
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