Élu en décembre 2021 président de la CCI Paris Île-de-France, Dominique Restino est un homme de terrain avec, à son actif, la création de plusieurs entreprises. Situation économique de l’Île-de-France, grands axes de son action à la tête de la CCI… Rencontre.
« En Île-de-France, les indicateurs économiques sont de mieux en mieux orientés mais l’activité régionale reste contrariée »
Les indicateurs de la croissance nationale sont au vert et le chômage est en forte baisse, mais quelle est votre vision de la situation économique de l’Île-de-France ?
En Île-de-France, les indicateurs économiques sont de mieux en mieux orientés mais l’activité régionale reste contrariée car en cinq ans, les entreprises, notamment à Paris, ont traversé les attentats, les Gilets jaunes et la pandémie de Covid. Notre région pâtit également de sa plus grande ouverture à l’international, qui est pourtant habituellement une de ses forces. Le secteur du tourisme tourne au ralenti du fait de l’absence d’une large part des touristes internationaux et la filière automobile est affectée par les pénuries de semi-conducteurs. Par conséquent, notre région a peiné à recréer les 120 000 emplois perdus en 2020 et n’a retrouvé son niveau d’emploi salarié d’avant-pandémie qu’au 3e trimestre 2021. Parallèlement, le taux de chômage francilien est encore supérieur de 0,4 point à son niveau de fin 2019. Ce niveau toujours élevé du chômage dans la région n’empêche pas les difficultés de recrutement dans certains secteurs (BTP, santé, informatique…).
Je rappelle que pour aider les entreprises à rebondir dès l’apparition des premiers signaux d’alerte, la CCI Paris Île-de-France a mis en place au printemps 2021 une cellule régionale de prévention et d’accompagnement des entreprises en difficulté. Composée d’une dizaine de conseillers experts intervenant sur l’ensemble du territoire francilien, cette cellule propose aux chefs d’entreprise qui le souhaitent, d’évaluer leur niveau de difficulté grâce à un diagnostic de sortie de crise et leur propose, si besoin, une orientation vers les bons interlocuteurs.
« Plus que jamais Paris Île-de-France doit être la destination de référence en matière de tourisme, de shopping et d’événementiel »
Notre région vous apparait-elle trop dépendante du tourisme et de l’évènementiel, deux secteurs qui ont particulièrement souffert de la crise sanitaire et faut-il orienter notre tissu économique ?
Je crois au contraire que le tourisme d’affaires en particulier est une chance pour notre région et si notre chambre a été aussi pro-active dans ce secteur depuis des années, c’est bien parce que les salons sont un véritable accélérateur de l’économie. Rappelons-le, les salons ça sert à signer des contrats et à accélérer le business des entreprises. Paris Île-de-France est le leader mondial sur ce segment et sur celui du tourisme d’agrément aussi et de surcroît une destination Premium dans l’accueil des grands événements (sportifs, culturels…). Nous accueillions chaque année en temps normal plus de 50 millions de visiteurs, 450 salons et plus de 1 200 congrès qui donnent de l’activité à plus de 110 000 entreprises et 500 000 salariés. Certes, la crise sanitaire a eu un impact pour de nombreux secteurs (hôtellerie, restauration, événementiel…), mais ce fût le cas pour toutes les destinations touristiques et nous avons su être résilients. En nous réinventant, en innovant et en diversifiant notre offre (applications répondant aux différents types de clientèles, « shopping week » à Paris et en région…). Je reste persuadé que nous retrouverons nos clientèles traditionnelles et en capterons de nouvelles. Plus que jamais Paris Île-de-France doit être la destination de référence en matière de tourisme, de shopping et d’événementiel. Au-delà des retombées économiques générées (22 milliards d’euros de consommation touristique par an), il en va du rayonnement et de l’attractivité de la région et de la France.
L’une des principales difficultés auxquelles les entreprises sont actuellement confrontées est celle du recrutement. Faut-il revoir en profondeur l’offre de formation ?
Les causes sont multiples : conditions de travail difficiles, manque d’attractivité du secteur, salaire trop bas qui conduit au maintien en chômage, mobilité insuffisante. De plus, s’il se produit un afflux simultané de demandes des entreprises sur un métier donné, elles se font concurrence, ce qui accroît la difficulté. Parmi les causes figure aussi le cas où le nombre de personnes formées à un métier qui recrute est insuffisant. Il faut alors que l’offre de formation soit revue mais la rapidité de la révision est variable. L’activité de formation initiale est un processus long : il faut plusieurs années pour former un professionnel. En revanche, des programmes de formation tout au long de la vie peuvent être mis en œuvre rapidement, auprès de personnes disposant déjà de compétences et d’expérience, dans une logique de reconversion. L’offre de formation est donc souvent adéquate et les organismes l’adaptent en permanence, mais elle doit être augmentée pour certains métiers en tension et la réactivité est alors primordiale. Cela suppose une bonne information des acteurs de la formation sur les métiers, les niveaux et les compétences recherchées.
Pour pallier à ces difficultés, la CCI Paris Île-de-France s’engage à travers ses écoles : LEA-CFI, l’école des métiers de la ville de demain, a par exemple signé un partenariat avec Humando pour accompagner l’insertion professionnelle de futurs mécaniciens réparateurs de véhicules industriels. Autre exemple avec l’UTEC qui propose aux jeunes de 16 à 29 ans, notamment issus des Quartiers Prioritaires de la Ville (QPV), le programme prépa-apprentissage Start’App77 pour sécuriser leur entrée dans le monde professionnel.
« Il nous appartient d’être moteur de la réflexion prospective pour tout ce qui concerne les entreprises et le développement économique »
Vous avez pris vos fonctions en décembre dernier, quels sont les grands axes de votre action à la tête de la CCI ?
La CCI Paris Île-de-France s’est profondément transformée sous la pression de la baisse de ses ressources fiscales et sous l’impulsion de ses élus chefs d’entreprise. Cette nouvelle configuration permet à l’établissement public d’apporter aux entreprises et aux territoires un accompagnement utile en cette période de relance après une crise impactante pour l’économie.
Nous devons préserver et développer des pôles d’expertise pour délivrer aux entreprises des prestations d’intérêt général comme des prestations à valeur ajoutée : transmission d’entreprise, financement, international, emploi, apprentissage… Dans chacun de ces domaines il s’agira de renforcer certaines orientations et d’anticiper les prochaines mutations (numérique, transition écologique, responsabilité sociale et environnementale…) qui sont autant de leviers de croissance.
Sur le « Zéro carbone » par exemple, il devient impératif d’aider les entreprises dans cette transformation concrète et à forts enjeux. Nous devons pour autant adopter une démarche « client » compte tenu de la réduction de nos financements. Notre maillage territorial est aussi un véritable atout dans une région qui comporte plus de 1 200 000 entreprises, pour la plupart de petites tailles. Nous devons aussi impérativement mener des actions d’accompagnement des entreprises avec nos partenaires sur le territoire : organisations patronales bien sûr mais aussi les collectivités territoriales et établissements publics.
Pour ces raisons, il nous appartient d’être moteur de la réflexion prospective pour tout ce qui concerne les entreprises et le développement économique. Nous devons aussi nous positionner sur les grands rendez-vous à venir comme les JOP de 2024.
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