Entretien avec Julien Pemezec et Bruno Halluin, FPI Île-de-France

Paru dans #MagCAPIDF, mai 2024

« Notre priorité immédiate, c’est la re-solvabilisation de la demande. » Rencontre avec Julien Pemezec et Bruno Halluin, coprésident de la Fédération des Promoteurs Immobiliers (FPI) Île-de-France

Que représente votre secteur d’activité en Île-de-France et comment accompagnez-vous vos adhérents ?

La promotion immobilière en France représente 43,1 Mds € ; l’Île-de-France génère environ 40 % de ce chiffre d’affaires et nous comptons une centaine d’adhérents. Notre rôle consiste à défendre les intérêts de la profession, tant auprès des élus locaux que des diverses instances décisionnaires publiques. Nous participons également à développer la visibilité de ce métier encore méconnu et incompris du grand public. Nous essayons, enfin, d’être des agents facilitateurs pour nos adhérents, tout spécialement en temps de crise, en leur apportant divers services.

« Les ventes aux particuliers ont baissé de 30 % par rapport à 2022, et de 62 % par rapport à 2019. »
2022 et 2023, ont été des années difficiles pour l’immobilier en France. Quelle est la situation en Île-de-France ?

En l’absence de mesures d’urgence, les ménages franciliens continuent de retarder leurs projets d’achat : on dénombre 10 000 ventes aux particuliers de moins qu’en 2022, soit -30 % sur un an, et -62 % par rapport à 2019. Cela s’explique par deux phénomènes : d’abord, un pouvoir d’achat immobilier en baisse de 25 % en 2 ans qui bloque l’acquisition ; ensuite, une rentabilité négative pour les investisseurs particuliers (-48 % de ventes sur un an), avec la disparition annoncée du Pinel et la hausse des taux de crédit. Les ventes aux investisseurs institutionnels (Action Logement, Caisse des Dépôts) limitent un peu la casse, cette année, grâce aux plans de rachat exceptionnels commandés par l’État, mais ne permettent pas de compenser la baisse des ventes aux particuliers. Par ailleurs, ces plans de rachat dissimulent en fait le désengagement des investisseurs institutionnels dans les produits résidentiels, du fait d’une rentabilité atrophiée par la hausse des taux. Or, cette baisse des ventes a des conséquences très concrètes : la trésorerie des entreprises, qui permet l’achat de nouveaux terrains, est réduite à peau de chagrin et les lancements sont dès lors retardés, si ce n’est abandonnés. Les mises en ventes atteignent ainsi leur volume le plus bas depuis près de 30 ans. Cette crise a aussi des répercussions dans les collectivités territoriales : notons par exemple une baisse de 800 M € de recette pour les départements franciliens, en lien avec la baisse des droits de mutation à titre onéreux (DMTO).

Craignez-vous que cela débouche sur une crise sociale, en raison de la baisse d’activité et du manque de logement ?

En effet. Il faut comprendre que cette paralysie du marché immobilier neuf se répercute sur l’intégralité du parc : le parc social est figé (5 % de rotation en Île-de-France et seulement 83 000 agréments délivrés en 2023 sur tout le pays, soit le chiffre le plus bas depuis 2005) et de plus en plus inaccessible d’autant que les promoteurs produisent 50 % des logements sociaux en France ; tandis que le parc privé atteint des niveaux de tension record qui accentuent l’exclusion subie par les ménages les plus précaires. Le risque, c’est donc l’assignation à résidence de milliers de ménages, condamnés à vivre avec les défaillances de leur logement actuel (vétusté, suroccupation, inadéquation géographique ou typologique). Ce sont aussi des étudiants qui, ne trouvant pas à se loger, abandonnent leurs projets académiques. Et c’est sans parler des 300 000 postes de la filière du logement, menacés par la crise et la baisse d’activité.

« Le prêt à taux zéro mériterait d’être encore renforcé pour jouer pleinement son rôle. »
Comment relancer le marché à brève échéance ?

Notre priorité immédiate, c’est la re-solvabilisation de la demande. Pour ce faire, il faut trouver des solutions pour financer les projets d’accession ou d’investissement. À la FPI IDF, nous pensons que le prêt à taux zéro (PTZ) mériterait d’être encore renforcé pour jouer pleinement son rôle : en révisant à la hausse des plafonds de montant d’opération finançables, inchangés depuis 2014, afin qu’ils coïncident avec les réalités de terrain. Nous sommes également très favorables aux nouveaux modèles de crédit immobilier portés (avec une part de In Fine partiel) pour alléger les mensualités supportées par les ménages. Nous pensons également que l’investisseur particulier est un partenaire de choix pour soutenir le développement du logement locatif intermédiaire, destiné aux classes moyennes exclues du parc privé. Nous plaidons ainsi pour la constitution d’un statut règlementé du bailleur privé clarifiant droits et devoirs du bailleurs et accordant les mêmes incitations fiscales que celles dont bénéficient les investisseurs institutionnels. Enfin, pour limiter les coûts de revient des opérations et permettre de retrouver des niveaux de prix viables, il est essentiel de mettre fin à la surenchère sur les prix du foncier dans les appels d’offre publics, de même que sur les normes dans les chartes, concours, et documents d’urbanisme, en appliquant la règle telle qu’elle est écrite.

Le futur SDRIF environnemental, peut-il être un instrument de cette relance ?

Le SDRIF est un document stratégique qui donne de grandes orientations à l’échelle régionale. Les objectifs de construction qui y sont inscrits sont rarement atteints et c’est surtout cet échec qu’il faut interroger. Nous plaidons fortement à la FPI IDF pour une opposabilité des objectifs de construction inscrits dans les documents de planification plus opérationnels (PLU, par exemple), mais ceci associé à une vraie politique de soutien aux maires bâtisseurs à qui la construction demande un vrai courage politique pour affronter la vindicte populaire.

Nous proposons donc un soutien financier, d’une part, en fléchant une partie de la TVA immobilière vers les communes bâtisseuses ; et un soutien technique, d’autre part, en engageant un travail de fond sur la mise à jour des outils et documents d’urbanisme pour les rendre plus flexibles, plus lisibles, et plus capables.

 

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