La transmission de l’expérience et des valeurs, un pont entre générations
Je suis depuis l’été 2018 la présidente de l’association des « Femmes de l’Intérieur », qui rassemble les femmes en responsabilité du ministère dans la diversité de leurs corps et statuts : préfètes et sous préfètes, administratrices civiles, officières de gendarmerie et de sapeurs-pompiers, commissaires de police, inspectrices générale de l’administration.
M’intéresser à la situation des femmes au sein de la gendarmerie a été pour moi une évidence, lorsque quittant la gendarmerie mobile en 1991 après trois années de travail dans un univers exclusivement masculin, j’ai rencontré les premières femmes gendarmes, et découvert leurs difficultés d’intégration. J’ai été légitime et crédible pour m’engager à leurs côtés en tant que cheffe militaire, soucieuse de l’efficacité de son organisation et de l’épanouissement de ses personnels, animée par des convictions personnelles confrontées à mes expériences de terrain. Mon engagement ne s’est pas démenti depuis et, au contraire, s’est élargi à l’ensemble des femmes du ministère de l’intérieur.
Avec le recul des années, je n’ai pas l’impression d’avoir accompli quelque chose d’exceptionnel. J’étais une jeune étudiante qui, en franchissant la porte de l’Ecole Spéciale Militaire de Saint-Cyr, a vu s’ouvrir devant elle les portes d’une carrière « extraordinaire ». Ce métier m’a en effet permis d’éprouver mes capacités à me dépasser dans de nombreux domaines, de vivre des aventures humaines et opérationnelles intenses, d’exercer des responsabilités de commandement passionnantes.
Les débuts n’ont pas forcément été faciles : 2 femmes parmi 151 garçons, une institution pas préparée à recevoir des femmes, le rejet collectif des autres élèves et l’indifférence des cadres ; mais au final, une exceptionnelle école de la vie, une formation accélérée sur l’humain, la force du groupe et la richesse de la diversité, enfin un gain en maturité et caractère précieux pour la suite du parcours. Chaque difficulté, chaque échec peut ainsi être source d’enseignements, de résilience, de persévérance…
Et si mon parcours par la suite a revêtu une dimension de symbole, car singularité d’être une femme dans un milieu d’homme tourné vers l’action opérationnelle et rôle de pionnière qui défriche et ouvre des portes, il reste assez classique pour un officier issu de Saint-Cyr, alternant postes de commandement et fonctions transversales.
Alors en ce jour symbolique consacré aux femmes, j’ai une pensée pour toutes les jeunes femmes qui s’engagent dans des études ou dans la vie active : qu’elles soient persuadées que le succès d’une carrière ne dépend pas de qualités ou de valeurs féminines ou masculines, mais des actions que l’on mène :
- ne pas se fixer de limites dans l’ambition, mais oser. L’ambition, c’est avant tout une recherche de sens, dans sa vie personnelle, familiale, professionnelle. C’est avoir envie de se projeter, d’accomplir ses rêves, de progresser. L’ambition, c’est aussi se dépasser, avoir envie, oser. Et pour cela, c’est aussi vouloir s’en donner les moyens ;
- anticiper les opportunités qui se présenteront par du travail et la construction de compétences. Derrière toute réussite, il y a beaucoup d’engagement, de travail pour acquérir connaissances, compétences et expériences ;
- faire preuve de courage et d’un brin d’audace pour accepter des challenges, savoir sortir de sa zone de confort et découvrir d’autres univers, d’autres domaines d’action ;
- faire preuve d’humilité pour savoir se remettre en cause ;
- enfin, assumer son genre et sa féminité, rester soi-même et préserver son équilibre personnel et familial.
Mais en cette journée internationale des droits des femmes, j’ai aussi une pensée profondément attristée pour toutes les femmes d’Ukraine dont les vies sont bouleversées. Qu’elles restent fortes, engagées, résilientes !
Bio :
Formée à l’école spéciale militaire de Saint-Cyr de 1984 à 1987, Isabelle Guion de Méritens a choisi il y a 35 ans un métier d’engagement et de service, un métier jusqu’alors principalement composé d’hommes.
Première femme à intégrer le corps des officiers de gendarmerie, première femme nommée générale en 2013, elle s’épanouit dans le commandement d’unités opérationnelles en sécurité publique notamment à la tête du département des Yvelines, puis de la gendarmerie maritime en 2015. Elle dirige alors une force de 1200 gendarmes, et 30 bâtiments à la mer, patrouilleurs et vedettes, exerçant leurs missions en métropole et outre-mer. L’humain prend tout son sens pour elle, lorsqu’il s’agit de commander des hommes et des femmes sur le terrain en situation de crise.
Elle est également passionnée par la formation des jeunes générations et les enjeux que représentent les talents à recruter. En prenant la direction de l’école des officiers de la gendarmerie nationale à Melun de 2015 à 2018, elle rénove les programmes de formation, s’investit dans la transmission des valeurs, du savoir-être et du sens de l’action, et fait rayonner le MBA « management de la sécurité » de l’école auprès du monde de l’entreprise.
Actuellement détachée comme inspectrice générale de l’administration, elle met son expérience professionnelle au service du gouvernement en pilotant des missions d’audit, d’évaluation ou de retour d’expérience.
Pendant toutes ces années, Isabelle Guion de Méritens s’est engagée au sein de la gendarmerie pour aider les femmes à mieux s’intégrer dans une institution encore très masculine et promouvoir le principe d’égalité professionnelle. Aujourd’hui, elle donne une autre dimension à son action en présidant l’association « Femmes de l’Intérieur » qui réunit les femmes en responsabilité du ministère de l’intérieur.
Elle est officier de la Légion d’Honneur et commandeur de l’ordre national du Mérite.