Les litiges impliquant des droits de propriété intellectuelle sont de plus en plus soumis à l’arbitrage interne comme international. Cette réalité est due aux qualités connues de ce mode juridictionnel de résolution des conflits (confiance dans les compétences techniques et l’intégrité des arbitres, rapidité de la procédure, non-publication des sentences arbitrales, recours limités…) ainsi qu’à une forte croissance de la place des actifs incorporels dans les entreprises.
Longtemps considérés comme non-arbitrables, les litiges en matière de propriété intellectuelle
sont entrés dans le champ des activités pouvant être soumises à un tribunal arbitral.
Ainsi, la propriété intellectuelle et, plus particulièrement, les brevets d’invention n’échappent pas à ce mode de résolution, après en avoir longtemps été écartés. Les choses ont évolué avec une loi du 13 juillet 1978 depuis complétée et codifiée. L’article L. 615-17 du Code de la Propriété Intellectuelle retient que la compétence exclusive des tribunaux de grande instance
(en l’occurrence, uniquement celui de Paris depuis un décret de 2009) dont relèvent les actions civiles et les demandes relatives aux brevets d’invention ayant effet en France (brevets nationaux français et fractions françaises de brevets européens), « ne font pas obstacle au recours à l’arbitrage, dans les conditions prévues aux articles 2059 et 2060 du code civil. ». Aux termes de l’article 2059 dudit code « Toutes personnes peuvent compromettre sur les droits dont elles ont la libre disposition », alors que l’article 2060 exclut de l’arbitrage « toutes les matières qui intéressent l’ordre public ». En revanche, l’article L.615-19 du Code de la Propriété Intellectuelle ne prévoit pas l’option de l’arbitrage s’agissant (alinéa 2) de « toutes les actions mettant en jeu une contrefaçon de brevet », lesquelles relèvent de la compétence exclusive du tribunal de grande instance. Aujourd’hui, on distingue entre ce qu’il est possible, sans contestation, de soumettre à l’arbitrage(1), ce qui pourrait lui être soumis(2) et ce qui lui échappe indiscutablement(3).
Ainsi :
1. sont considérés comme arbitrables les conflits intéressant l’opposabilité du brevet mais uniquement inter partes (seule l’annulation judiciaire d’un brevet ayant un effet erga omnes), sa titularité (paternité de l’invention…) et son exploitation contractuelle (cession, licence…),
2. pourraient être arbitrables, dans une certaine limite, les litiges relatifs aux inventions de salariés (encore qu’elles intéressent l’ordre public), à la revendication de propriété et, surtout, ceux relatifs à la contrefaçon en tant que délit civil,
3. et sont clairement exclus de l’arbitrage les litiges sur l’éviction (expropriation, licences obligatoires, licences d’office…), la saisie-contrefaçon (qui ne peut être ordonnée que par un juge) et la contrefaçon en tant que délit pénal (prérogative de la puissance publique qui est exclusivement compétente pour sanctionner pénalement la contrefaçon commise sur son territoire, en vertu de l’ordre public tant français qu’international).
Il est clair, au vue de ce qui précède, qu’une étape décisive sera franchie le jour où le contentieux civil de la contrefaçon (appréciation de la matérialité de la contrefaçon, mesures préventives, sanctions, mesures d’interdiction, de confiscation, de destruction, de publication…) sera arbitrable, ce qui toutefois, ne présentera véritablement d’intérêt que si la question de la validité du brevet, dont dépend la contrefaçon, est également clairement arbitrable. D’abord divisée, la doctrine s’est plutôt prononcée en faveur de l’arbitrabilité de la
contrefaçon sur le terrain civil, y compris dans l’ordre international. Au législateur de trancher…