Après son élection, Patrick Martin a réservé à CAP’IDF sa première interview où il expose ses ambitions et ses engagements en tant que nouveau président du MEDEF.
Quels doivent être selon vous les chantiers prioritaires du MEDEF dans les prochains mois ?
La question de la formation professionnelle et des compétences doit être la priorité stratégique des prochaines années, si nous voulons relever les grands défis des transitions écologique et numérique. Pour favoriser l’insertion des jeunes, je veux mobiliser le réseau de nos entreprises pour qu’ils puissent y être accueillis systématiquement en stage et favoriser leur accès aux filières professionnalisantes de l’enseignement supérieur, grâce au pilotage des branches. Avec, pour objectif, un taux d’insertion identique à celui des apprentis d’ici 2027. Il est aussi nécessaire de mieux prendre en compte les transitions professionnelles et les transferts de compétences, ainsi que l’allongement de la durée de vie au travail. Je suis optimiste concernant l’emploi des seniors. Des pistes d’amélioration existent, de l’aménagement horaire de certains contrats à l’orientation des seniors vers la formation pour qu’ils partagent leurs compétences. La création de France Travail doit être l’occasion d’être réellement impliqués dans la gouvernance. Nous n’accepterons pas un simple strapontin comme à Pôle emploi ou France compétences.
Autre sujet majeur : le logement. Je m’inquiète du ralentissement de la construction, qui représente 10 % de l’emploi national. Mais au-delà des seuls intérêts de la filière, la rareté du logement impacte aussi le pouvoir d’achat et la mobilité professionnelle. Autant de challenges qui ne pourront être relevés sans une croissance responsable et durable, à commencer par l’indispensable transition écologique.
« J’INVITE LES PARTENAIRES SOCIAUX À BÂTIR ENSEMBLE UNE FEUILLE DE ROUTE POUR UNE DÉCARBONATION RÉALISTE. »
Justement, comment concilier croissance et transition écologique ?
Sans croissance nous ne saurons financer les innovations et investissements indispensables à notre souveraineté et à notre décarbonation. Sans croissance pas d’emploi dynamique, ni de redistribution. C’est parce que nous ne produisons pas assez que notre pays en est venu à gérer la pénurie. Seule une croissance responsable mais robuste, nous assurera un avenir de progrès partagé. C’est pourquoi j’invite les partenaires sociaux à s’emparer du sujet dans le cadre d’une « Convention croissance
climat » pour bâtir ensemble une feuille de route pour une décarbonation réaliste parce que financée et gagnante pour tous. Une transition qui nécessitera des financements sur le long terme, qui pourraient être assurés par une part de retraite par capitalisation. Une évolution qui pourrait faire l’objet d’une prochaine négociation interprofessionnelle.
Dans le contexte inflationniste actuel, comment préserver la compétitivité de nos entreprises ?
D’abord un constat : la part de marché de la France au sein des exportations mondiales a été divisée par deux en vingt ans. Il faut donc tout faire pour restaurer notre compétitivité. En commençant par les impôts de production, toujours supérieurs de 20 Mds € à la moyenne européenne, malgré les avancées de ces dernières années. Il faut également alléger les cotisations sociales au-delà de 2,5 SMIC et favoriser l’investissement dans nos PME et ETI via un système de fonds d’investissement dans leur capital, ouvert aux épargnants. Enfin il faut faire la chasse à la sur-réglementation qui, dans notre pays, équivaut à un impôt supplémentaire.
« JE SOUHAITE PARTOUT DÉCLOISONNER ET NOURRIR LE DÉBAT D’IDÉES. »
Comment comptez-vous associer les territoires à votre action ?
Je souhaite partout décloisonner et nourrir le débat d’idées. La force d’imagination et d’innovation qui s’exprime dans nos entreprises et dans les territoires, doit irriguer le MEDEF. Je souhaite ainsi mettre en place une circulation des travaux des commissions en les partageant avec nos adhérents, pour renforcer leur caractère opérationnel. La totalité des instances nationales seront participatives et nourries de l’avis des adhérents et des territoires. Une plateforme collaborative permettra aux chefs d’entreprise ainsi qu’à toutes les organisations adhérentes de contribuer aux débats des commissions. La formation et l’accompagnement de nos 15000 mandataires, qui sont le fondement de l’engagement patronal, seront renforcés, notamment sous la forme de journées d’échanges et la mutualisation des bonnes pratiques. La conquête de nouveaux adhérents doit être l’objectif prioritaire des territoires, en bonne intelligence avec les branches. Ils seront accompagnés par la signature de contrats de confiance avec le MEDEF national, englobant les contrats d’objectifs mais aussi l’animation des réseaux d’élus et de mandataires. Nous renforcerons nos équipes et notre réseau de correspondants territoriaux pour offrir de meilleurs services aux territoires.
Si le dialogue social n’a jamais été interrompu au sein des entreprises, comment l’apaiser dans le pays, après des semaines de tension autour de la réforme des retraites ?
Le dialogue social à tous les niveaux est souvent la clé du progrès collectif. Nous avons besoin d’une démocratie sociale vivante, active et respectée. Les partenaires sociaux savent faire preuve de responsabilité. J’en veux pour preuve les ANI, largement à l’initiative du MEDEF, que nous avons conclus avec eux ces dernières années. Dans le panorama fracturé de notre pays, j’entends réaffirmer nos valeurs et revendiquer pleinement notre rôle incontournable dans le débat d’idées, celui d’une force de propositions crédible par un dialogue constructif et exigeant avec toutes les parties prenantes. Nous devons pouvoir nous accorder avec nos interlocuteurs sur la définition d’une ambition pour la France, qui bénéficiera à chacun.
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