Entretien avec Alexis Gibergues, président de l’Organisation des Transporteurs Routiers Européens (OTRE) Île-de-France, président de l’OTRE
Vous avez présenté en juillet dernier votre feuille de route pour une stratégie ambitieuse en faveur du transport routier. Quels en sont les principaux axes ?
Nous rappelons le contexte de grande difficulté économique auquel sont confrontées nos entreprises et le nombre de défaillances historiquement élevé dans notre secteur depuis deux ans. Nous réaffirmons notre opposition ferme et sans équivoque à toute augmentation de la fiscalité, et Notamment à tout déremboursement de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) comme à la généralisation de l’écotaxe régionale pour les poids lourds. L’OTRE pointe l’urgence d’une plus juste répartition de la valeur dans le transport routier de marchandises, notamment par la lutte contre les prix abusivement bas, la garantie de la transparence des prix proposés par les opérateurs de service numérique de mise en relation commerciale, l’assurance de revenus décents et fixes aux transporteurs et la limitation des prestations de transport non-valorisées, entre autres. Le transport routier de marchandises est une activité stratégique, essentielle au dynamisme des territoires et à leur développement économique. Il assure un lien vital entre l’offre et la demande de biens de consommation, en soutenant l’activité des commerces et les besoins des ménages. Pilier de la chaîne logistique et industrielle, le transport routier contribue ainsi directement à la vitalité économique du pays. Le transport routier de voyageurs fait face à des enjeux urgents, notamment l’attractivité des métiers, les pénuries de conducteurs scolaires, la ZTL à Paris, la fermeture de la Gare de Bercy, et les travaux en cours portés par l’OTRE visant à favoriser l’équivalence et les passerelles entre les permis professionnels C et D. Là encore, nous avons pu constater une fine connaissance des dossiers et une volonté de coconstruire un cadre adéquat pour nos métiers.
Si les transporteurs français assurent plus de 90 % du transport national, selon les statistiques officielles, ils ne trustent que 10 % des transports internationaux vers ou depuis la France. Comment l’expliquez-vous et comment être plus présent à l’international ?
Il existe depuis de nombreuses années une distorsion entre le transport régional et le transport international car la différence qu’on appelle « la concurrence » est due au fait social et au coût des charges moindres dans les autres pays et entraîne un manque de compétitivité du pavillon français. De plus, le transport routier en Île-de-France est sur un équilibre précaire qu’il faut à minima préserver pour ne pas voir les faillites arriver en cascade.
Comment se porte le transport de marchandises et de personnes en Île-de-France ?
En ce qui concerne la Zone à Trafic Limité (ZTL), après peu d’échanges avec la Mairie de Paris et des réunions plutôt fructueuses avec la Préfecture de Paris, l’OTRE a obtenu que les cars de tourisme puissent continuer leur activité dans cette zone. Nous sommes encore en attente des modalités précises d’accès à la ZTL et des discussions au sein d’un groupe de travail spécifique au transport routier. Par ailleurs, concernant la réduction à 50 km/h sur le périphérique, une mesure mise en place sans consultation des professionnels, nous nous sommes exprimés sur l’absence d’études d’impact et les problématiques qu’elle engendre, notamment pour les livraisons la nuit. L’OTRE Île-de-France s’est associée au MEDEF Île-de-France pour faire entendre notre voix et notre mécontentement à ce sujet.
« Le transport routier en Île-de-France est sur un équilibre précaire qu’il faut a minima préserver pour ne pas voir les faillites arriver en cascade. »
Le monde du transport routier va connaitre une modification profonde de son écosystème. Comment avancent les transitions écologique et numérique du secteur ?
Les acteurs de l’écosystème préconisent la mise en place d’un plan d’accompagnement pérenne d’aides à l’acquisition pour les véhicules. Un autre point sur lequel il faut insister est la nécessité de ne fermer la porte à aucune solution de décarbonation pragmatique accompagnant la dynamique de la transition. C’est pour cela qu’à l’OTRE, nous prônons la nécessité d’un mixte énergétique afin d’accompagner en douceur cette transition avec les carburants alternatifs et le bioGNV*. Il existe deux avantages à cela : décarboner rapidement les opérations de transport à coût constant et s’appuyer sur des réseaux d’avitaillement déjà existants. La route a toujours accompagné les évolutions sociétales ainsi que le dynamisme de notre pays. Elle est et restera le moyen de déplacement majoritaire. La route de demain sera zéro émission et toujours pourvoyeuse d’emplois, enfin, si cette transition se fait avec nous et non pas contre nous.
« La route de demain sera zéro émission et toujours pourvoyeuse d’emplois,
si la transition écologique se fait avec nous et non contre nous. »
Votre secteur est confronté à des difficultés de recrutements. Comment rendre le transport plus attractif auprès des jeunes ?
Pour rendre le transport plus attractif auprès des jeunes, il faut changer l’image relayée par les médias et certains responsables politiques. Nos métiers sont indispensables au fonctionnement de notre pays et nous pouvons en être fiers. Les véhicules sont de plus en plus performants, connectés et dans notre société hypernumérique, un jeune va se retrouver rapidement dans un univers 3.0… La transition écologique apporte une technologie incroyable dans les véhicules, électriques bien sûr mais déjà les véhicules thermiques de dernières générations sont eux aussi à la pointe de la technologie. Le transport permet de monter en compétences tout au long d’une carrière avec des formations allant du CAP au Bac +5. Notons qu’ils ont eux aussi fait un vrai travail d’adaptation des formations afin de pouvoir répondre aux enjeux et aux défis du futur de nos métiers. Rappelons que le futur s’écrit aussi au féminin. Nous sommes fiers d’être la première organisation patronale du secteur à avoir créé le club « Otrement Féminin ». Soyez les bienvenues, Mesdames. Enfin, saluons aussi le travail fait par France Travail, l’AFT et l’OPCO pour valoriser et changer l’image de notre profession. Et n’oubliez pas, à l’OTRE le vert n’est pas qu’une couleur !
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