Cher réseau des entreprises franciliennes,
On m’a demandé de réfléchir à une tribune à l’occasion de la Journée internationale des droits des femmes du 8 mars. J’allais commencer à vous retranscrire ce que nous faisions au MEDEF Paris pour continuer à renforcer la parité femme/homme. Je me suis finalement dit que j’allais échanger avec l’une de nos nouvelles adhérentes qui a hautement porté les couleurs des femmes en politique pour faire évoluer les droits des femmes : Marlène Schiappa, ancienne Secrétaire d’État chargée de l’Égalité entre les femmes et les hommes et de la Lutte contre les discriminations et aujourd’hui associée chez Tilder.
Marie-Sophie Ngo Ky Claverie.
Les droits des femmes au travail
Marie-Sophie Ngo Ky Claverie : Vous avez été Secrétaire d’État chargée de l’Égalité entre les femmes et les hommes et de la Lutte contre les discriminations, vous êtes désormais dans le monde de l’entreprise. Comment voyez-vous aujourd’hui la place des femmes en entreprise ?
Marlène Schiappa : La politique et l’entreprise ont des points communs mais aussi de grandes différences structurelles. Paradoxalement, je trouve le monde de l’entreprise plus propice à une forme de solidarité, de travail en équipe. Je suis aujourd’hui associée chez Tilder, un cabinet de conseil en stratégie de communication. Dans ce cadre, j’échange toute la journée avec des dirigeants et des dirigeantes d’entreprise. Ce que j’observe, c’est qu’il y a une véritable volonté des entreprises de s’engager et d’agir sur le sujet de la place des femmes. D’abord, ce sujet est de plus en plus porté avec volontarisme y compris par les hommes. Pour la grande majorité d’entre eux, c’est un engagement sincère. Au-delà de ça, les patrons ont compris que c’était désormais une question majeure de gouvernance, à 360° : des RH à la marque employeur, d’attractivité et de fidélisation des talents, bref un enjeu non négociable notamment pour les jeunes générations. Et enfin, même si cela ne doit pas être le moteur de l’action, c’est aussi un enjeu de communication. En cela, je pense que l’on avance vers du positif !
Marie-Sophie Ngo Ky Claverie : À l’avenir, quelle(s) grande(s) transformation(s) entrevoyez-vous pour la place des femmes dans l’entreprise ?
Marlène Schiappa : La mise en application de la loi Castaner-Rixain va changer les visages de bien des organigrammes. L’obligation de parité s’étendra au-dessous des boards. C’est un virage à prendre et il ne faut pas le prendre avec une vision radicale : l’idée n’est pas de virer tous les hommes pour mettre des femmes à la place ! Au contraire, c’est de partager un même espace de travail, l’objectif, c’est la mixité. Il est injuste que les femmes aient été exclues des organes de décision pendant si longtemps. Les quotas sont nécessaires, mais ils n’ont pas permis de ruissellement de la parité et aujourd’hui, de véritables plans de féminisation sont nécessaires pour anticiper cela dès maintenant. Il existe maintenant des cabinets de chasse de tête spécialisés, qui vont identifier des femmes administratrices, ou dirigeantes. J’accompagne d’ailleurs plusieurs structures en ce sens. Nous vivons un momentum : c’est vraiment le moment pour les entreprises d’être acteur du changement et de cette transition féministe !
Marie-Sophie Ngo Ky Claverie : Quelle serait, selon vous, la réforme que vous auriez pu mettre en œuvre pour le droit des femmes dans le monde de l’entreprise ?
Marlène Schiappa : Nous avons déjà porté pléthore de lois et de dispositifs de politique publique. J’en ai fait un mini guide juridique paru cette semaine chez Dalloz, dont les droits d’auteure sont reversés à une ONG, Regards de femmes. D’ailleurs souvent, les entreprises sont en avance par rapport aux pouvoirs publics : par exemple, sur le congé paternité allongé, c’est une initiative à l’origine portée par des grandes entreprises du CAC40 et du SF120, ensuite reprise par le Président Emmanuel Macron car il a été convaincu. Pour moi, ce qui reste à faire, c’est de passer du droit formel au droit réel par exemple sur l’égalité salariale. J’ai présidé 10 ans l’association Maman travaille, je constate qu’on progresse peu malgré l’index, que beaucoup d’organisations trouvent encore trop lourd, mais qui permet de se pencher sur le sujet. Quant au reste je dirais comme Simone Veil : Il suffit d’écouter les femmes… un audit interne permet par exemple de comprendre ce que les femmes veulent sans parfois avoir d’espace pour le dire, de la lutte contre la misogynie en passant par l’accès aux postes de gouvernance.
Marie-Sophie Ngo Ky Claverie : Quels conseils donneriez-vous à une jeune fille qui voudrait se lancer dans l’entrepreneuriat ?
Marlène Schiappa : De n’écouter aucun conseil ! Et d’être sincère. Quand j’ai créé ma première entreprise, j’avais 24 ans, un bébé, et j’avais quitté un poste chez Havas pour monter ma propre agence dans le but d’être plus libre de mon organisation. Je n’avais pas vraiment de business plan, juste une obligation : que ça marche. Et ça a marché au-delà de mes attentes, parce que j’étais passionnée par ce que je faisais, c’était l’émergence du web, des contenus engagés ou de marque, nous n’étions pas nombreux à faire ça. La sincérité est la clé de tout.
Biographie de Marie-Sophie Ngo Ky Claverie
Marie-Sophie Kgo Ky Claverie a commencé sa carrière en politique, notamment en tant qu’assistante parlementaire de 1994 à 1997, année où elle rejoint le groupe Henner, société de gestion et de courtage d’assurances de personnes. Forte de cette expérience, elle intègre le MEDEF Paris en 2002 puis devient directrice générale en 2007. Elle a également repris une société de création et de fabrication en France de mobiliers haut de gamme, Modénature.
Biographie de Marlène Schiappa
Marlène Schiappa conseille des dirigeants et des dirigeantes dans leurs stratégies de communication, d’influence et d’affaires publiques dans le cabinet TILDER dont elle est associée. Ministre de 2017 à 2023, elle porte la cause de l’égalité femmes-hommes et a présidé 10 ans le réseau Maman travaille. Elle prépare des documentaires pour le groupe Canal+ et vient de publier « Les Droits des femmes au travail » chez Dalloz. Elle monte une Fondation internationale en lien avec l’ONU, dédiée à la place des femmes dans la société.