SI LE MODÈLE DE L’ALTERNANCE A LES FAVEURS DE BON NOMBRE DE JEUNES COMME EN TÉMOIGNE LE SUCCÈS DE LA DERNIÈRE FÊTE DE L’ALTERNANCE ORGANISÉE PAR LE MEDEF ILE-DE-FRANCE, IL PEINE ENCORE À SE DÉVELOPPER À GRANDE ÉCHELLE. COMMENT EXPLIQUER CE “RETARD À L’ALLUMAGE” ET QUELLES SONT LES PISTES POUR FAVORISER SON ESSOR ? NOUS AVONS INTERROGÉ SUR CE POINT ERIC BERGER, PRÉSIDENT DU MEDEF ILE-DE-FRANCE.
QUELS SONT LES PRINCIPAUX FREINS À UN VÉRITABLE ESSOR DE L’ALTERNANCE DANS NOTRE PAYS ?
Le modèle de l’alternance fait aujourd’hui consensus dans la population, mais une succession de décisions politiques l’ont rendu illisible, trop compliqué, voir inapplicable pour bon nombre d’entrepreneurs, en particulier dans les TPE et les PME. A commencer par la coexistence de deux types de contrats (le contrat de professionnalisation et le contrat d’apprentissage), qui vient inutilement brouiller la lisibilité des voies de formation possibles. La mise en oeuvre d’un seul contrat faciliterait son appropriation par un plus grand nombre. A cela, s’est ajoutée une série de décrets restrictifs, comme le décret “machine dangereuse” qui ne permet pas, par exemple, à un apprenti boulanger de s’approcher du pétrin, ou la suppression de l’accès au dispositif d’initiation aux métiers en alternance (DIMA). Enfin les coupes budgétaires décidées par le gouvernement, comme le cantonnement du crédit d’impôt apprentissage à la première année de formation ou la réduction de l’aide forfaitaire à l’embauche d’apprentis, ont eu des effets dévastateurs entraînant une baisse des effectifs, en particulier parmi les plus bas niveaux de qualification.
DÈS LORS, QUELS LEVIERS ACTIONNER POUR FAIRE REPARTIR LA MACHINE ?
Nous faisons 7 propositions pour relancer la filière de l’apprentissage :
- 1.Zéro charge alternance pour les entreprises ;
- 2.Développer les contrats de professionnalisation “sur mesure”;
- 3. Rendre obligatoire l’information sur les débouchés professionnels des cursus de formation proposés à tous les niveaux de qualification et stopper la dévalorisation symbolique de l’apprentissage dans le système d’orientation ;
- 4.Expérimenter la co-construction des diplômes entre les branches professionnelles volontaires et le ministère ;
- 5.Mettre en place un processus de co-décision entre la Région et les partenaires sociaux sur l’établissement de la carte des formations ;
- 6.Alléger les démarches administratives pour les entreprises ;
- 7.Libérer le financement de l’apprentissage : en redonnant aux entreprises la capacité d’investir dans l’apprentissage selon leurs besoins, en libérant l’affectation de la taxe d’apprentissage pour les entreprises qui embauchent plus de 3% d’alternants, enfin en déconnectant l’ouverture des CFA de l’obligation de financement régional.
LES ENTREPRISES FRANCILIENNES SE MONTRENT-ELLES IMPLIQUÉES EN MATIÈRE DE DÉVELOPPEMENT DES PRATIQUES D’ALTERNANCE ?
Pour l’année 2013/2014, 40 772 entrées en contrat de professionnalisation ont été enregistrées en Ile-de-France et 56 635 entrées en contrat d’apprentissage. Nous constatons d’ailleurs que si le CAP demeure le diplôme le plus préparé dans la région par la voie de l’apprentissage (23,5 % des contrats), il est désormais talonné par le master professionnel (22,6 %). Après plusieurs années de baisse des effectifs d’alternants, il semble que l’on reparte légèrement à la hausse. Selon le tableau de bord des politiques de l’emploi de la DARES (Direction des Études et des Statistiques), 276.051 contrats d’apprentissage ont été enregistrés en 2015, contre 270.904 l’année précédente. Soit 5.147 apprentis supplémentaires. Une hausse de 2,1% qui reste toutefois bien insuffisante au regard des baisses essuyées par l’apprentissage en 2013 (-8%) et 2014 (-3%) et qui incite à la prudence quant à un réel redémarrage. Les contrats de professionnalisation augmentent eux aussi en 2015, puisque 159.310 ont été enregistrés, contre 151.220 l’année précédente (+8.090).
QUELS SONT LES SECTEURS ET MÉTIERS LES PLUS PERMÉABLES À L’ALTERNANCE ET LES BESOINS SPÉCIFIQUES DES ENTREPRISES FRANCILIENNES ?
Aujourd’hui, tous les secteurs et tous les niveaux de qualification sont accessibles par la voie de l’alternance. L’alternance ne se cantonne plus à l’artisanat et aux bas niveaux de qualification. Il existe une multitude de secteurs qui y ont recours. Si les grands pourvoyeurs d’alternants restent les secteurs historiques comme le bâtiment, les travaux publics, l’hôtellerierestauration, la métallurgie et la grande distribution, des secteurs comme la banque, l’assurance, le transport et la logistique, la chimie, la téléphonie ou la santé s’y ouvrent de plus en plus. Même les secteurs émergeants sont désormais accessibles par la voie de l’alternance.