En quelques années, le phénomène a pris de l’ampleur au sein des entreprises qui n’hésitent plus à investir dans des cellules d’innovation. leur objectif : faire émerger de nouvelles idées en donnant du temps et des moyens aux collaborateurs les plus motivés.
Avec d’un côté des entreprises qui ont besoin d’être de plus en plus agiles dans un écosystème concurrentiel et de l’autre des collaborateurs désireux d’avoir plus d’impact dans la marche de la société, les programmes collaboratifs d’innovation se multiplient, donnant naissance à de véritables incubateurs internes.
Une démarche qui séduit de plus en plus de salariés, comme le démontre l’enquête réalisée par Deloitte* . 72% des répondants se disent intéressés par ce genre d’initiative et 74% souhaitent tenter l’aventure dans les trois prochaines années.
Un succès qui s’explique par la quête de sens des salariés dans leur travail, selon Philippe Burger, responsable capital humain chez Deloitte. Du côté des entreprises, c’est le moyen de fédérer leurs collaborateurs autour de la question cruciale de l’innovation.
Dénicher les entrepreneurs dans l’âme
«De plus en plus d’entreprises cherchent à détecter les personnes qui souhaitent et se sentent capables de porter leur projet, de le défendre et de le développer», souligne Philippe Burger.
C’est ainsi qu’est né fin 2014, au sein de Pôle emploi, le programme «Y-at-il un entrepreneur parmi nous» qui permet de sélectionner chaque année deux idées soutenues par les collaborateurs.
«Au bout de six mois, les porteurs de projets doivent être en capacité de proposer un prototype de leur service ou produit, lors d’un entretien avec la direction générale pour que celui-ci soit déployé en phase de test», précise Reynald Chapuis, directeur de l’expérience utilisateur et du digital au sein de Pôle emploi.
L’enseigne de prêt-à-porter Gémo, a misé quant à elle, sur la création d’un lieu de partage où les idées de chacun se confrontent. «Pour que les projets soient portés de a manière la plus unanime possible, il était essentiel que l’ensemble des collaborateurs puissent y participer», souligne Alain Paré, directeur des ressources humaines de Gémo.
L’enseigne a créé Le Bocal, où tous les salariés peuvent déposer leurs idées sur un mur dédié. «Les collaborateurs peuvent positionner une gommette sur celles qui retiennent leur intérêt.
Dès que le nombre de 30 est atteint, cela devient un projet sur lequel n’importe qui peut se positionner pour participer à son développement». Une implication du management qui constitue l’une des clés du succès. «Le Comité de direction a toujours soutenu l’initiative et incite les managers à libérer les équipes», précise Stéphanie Maugendre, responsable des projets RH chez Gémo.
Une condition d’autant plus essentielle que les managers doivent être sensibilisés et rassurés sur le temps accordé par leurs collaborateurs à ces projets. «L’ensemble de l’entreprise doit être convaincu qu’il faut laisser du temps aux équipes pour innover et réfléchir à leur projet», ajoute Alain Paré.
Assurer le suivi des projets
Eric Barthélémy est l’un des premiers intrapreneurs choisis début 2015 par Pôle emploi. Son idée, «La Bonne Boîte», qui est un service axé sur le marché caché des offres d’emploi, a été lancé en décembre de la même année. Depuis, ce sont 2 millions d’utilisateurs qui l’ont utilisé. Un projet mené à bien grâce à un suivi régulier.
«Un point est effectué tous les 4 à 6 mois, entre la direction générale et l’entrepreneur, avec pour objectif de déterminer si l’idée nécessite encore des évolutions ou si elle arrive à maturation », détaille Reynald Chapuis de Pôle emploi. Une implication de la direction à chaque étape de son évolution, qui sonne comme un signe de reconnaissance très apprécié.«Au départ, beaucoup de projets s’intéressaient avant tout au bien-être dans l’entreprise», se rappelle Julien Hervé chez Gémo.
«Quand les collaborateurs ont vu que l’on allait au bout des projets, ils ont commencé à proposer des idées plus orientées business».
C’est ainsi qu’a vu le jour Twist & Clips, une sandale aux brides interchangeables, qui a demandé une année de mise au point. «Le produit a été testé durant l’été 2016, dans une quinzaine de magasins. En deux semaines, nous avions atteint 80% d’écoulement. L’été suivant, la sandale a été commercialisée dans l’ensemble du réseau devenant l’un des produits fonctionnant le mieux », ajoute-t-il.
Accepter l’échec
Mais si certaines idées trouvent leur place, d’autres n’aboutiront jamais. Des échecs que l’entreprise doit être capable d’accepter et de relativiser, sans pour autant blâmer son auteur.
Selon l’étude Deloitte, un tiers des projets développés en interne par des collaborateurs, ne sont finalement pas adoptés.
«Quand un projet ne trouve pas son marché ou son public, cela permet de savoir ce qui ne fonctionne pas», positive Philippe Burger, associé chez Deloitte. Cela reste donc toujours bénéfique pour l’entreprise, ne seraitce qu’en terme de marque employeur.
«C’est un élément indiscutable. Il y a une dynamique collective et une implication des collaborateurs qui s’installent, ce qui est toujours un succès», analyse Philippe Burger.