Alors que des signes encourageants de la relance apparaissent, le Président du MEDEF décrypte les conditions qui favoriseront une reprise durable.
Comment voyez-vous la sortie de crise pour nos entreprises ?
Avec le déconfinement, les premiers signaux de reprise sont encourageants. On le voit notamment dans la restauration qui repart sur mai et surtout juin. Après la chute de 2020, la croissance française atteindrait 5,75 % en 2021, soit davantage que la moyenne européenne à 4,6 %, et mieux que l’Allemagne et l’Italie. Mais pour que la reprise soit durable, il ne suffit pas d’en constater les premiers frémissements : nous devons maintenant la soutenir chaque jour, car chaque jour sera décisif. La consommation des ménages et l’investissement des entreprises, grâce au retour de leur confiance, sont les deux moteurs de ce rebond. Il faudra également trouver des solutions rapides à ce qui pourrait freiner cette reprise. Je pense aux tensions qui demeurent sur le marché du travail, et pas seulement dans la restauration où les représentants du secteur ont chiffré à 100 000 le nombre d’emplois manquants. La France est entrée dans la pandémie avec un problème d’offre, que l’on retrouve maintenant. Il y a aussi un problème d’approvisionnement et de prix sur les matières premières qui devient préoccupant. Le Bâtiment, fer de lance de la reprise, a émis un signal d’alerte assez fort, avec une explosion du prix de l’acier et le bois pour lequel les approvisionnements deviennent difficiles. En résumé, je suis optimiste mais prudent.
L’Île-de-France en raison d’une certaine spécialisation sectorielle (tourisme, événementiel, culture) a été particulièrement impactée. Est-ce que cela doit inciter à un rééquilibrage des activités de notre région ?
Les entreprises ont dû composer avec la crise sanitaire avec plus ou moins de difficultés selon leur secteur d’activité. L’Île-de-France a été touchée davantage que le reste de la France, au regard de la typologie de son économie, très dépendante des secteurs les plus impactés par la pandémie : culture, tourisme, évènementiel, transports aériens. Dans le même temps, la crise a révélé la résilience dont font preuve les entreprises franciliennes. Depuis le 19 mai, les entreprises et les clients sont au rendez-vous : le commerce physique repart, les terrasses s’animent, les évènements reprennent à l’instar du salon VivaTech. Cette crise aura montré, par l’absurde, que nous sommes des êtres sociaux : nous avons besoin de ces millions d’interactions, qu’elles soient commerciales, professionnelles, culturelles, qui animent notre dynamique économique. Cette crise est aussi en train d’accélérer – à marche forcée – la transformation de l’économie vers plus de digitalisation, de proximité, d’écologie. Ne subissons pas le changement, anticipons dès maintenant ces mutations et l’Île-de-France doit rester compétitive et pionnière dans ces domaines où elle excelle. Pour autant, nous ne devons pas abandonner les secteurs qui souffrent et qui vont continuer à souffrir durablement à cause de l’absence de touristes. Le tourisme reste et restera une vitrine essentielle de la France et de l’Île-de-France.
Quels sont pour vous les principaux enseignements à retenir de cette crise inédite ?
Cette crise a mis en lumière de lourds handicaps structurels que nous connaissions bien, et contre lesquels nous nous battions déjà avant la crise : le poids des impôts et des charges, en particulier les impôts de production qui découragent l’implantation des entreprises en France et qui est source des pertes de souveraineté dans des filières clés; le poids de la centralisation dans les décisions entre elles. Mais elle a également révélé l’extraordinaire réactivité des entreprises. Elles ne sont pas restées les bras croisés à attendre que ça passe. Elles se sont remises en question, elles se sont réinventées. Un certain nombre d’entreprises ont même repensé leur activité pour participer à l’effort général : production de gel, de masques, de blouses et de visières, de respirateurs. Et surtout elles se sont adaptées aux contraintes sanitaires pour reprendre l’activité dans les meilleures conditions possibles.
Dans ce contexte, quel sera l’enjeu de La REF du 24 au 26 août prochain ?
Alors que venons de traverser plus d’un an de restrictions, le débat que nous souhaitons ouvrir est celui de notre capacité collective à faire le choix de la liberté : liberté de mouvement, de penser, de commercer, de créer. Nous ouvrirons les débats, en grand, avec celles et ceux qui font l’actualité. La REF qui se tiendra à Paris Longchamp sera encore plus riche, plus ambitieuse, tournée vers l’avenir et la relance des entreprises. Après l’année que nous venons de vivre, il est essentiel de pouvoir se retrouver pour échanger, confronter nos idées, partager des moments de convivialité et tout simplement vivre ensemble le plus influent rendez-vous de la rentrée. Cette REF sera ouverte comme jamais sur le monde. Dès le mardi 24 août, nous lançons les Rencontres des Entrepreneurs Francophones, publiques; la lourdeur de l’administration; mais aussi l’interdépendance croissante des économies et les effets dominos avec des délégations venues de quatre continents, des chefs d’État et des personnalités de premier plan pour sceller une communauté francophone d’affaires unique au monde.
Alors que s’amorce la transition écologique de notre économie, peut-elle être l’occasion d’une véritable réindustrialisation de notre pays ?
En effet la crise sanitaire que nous traversons ne doit pas nous faire oublier un autre défi de taille, celui de la transition écologique. La rupture des chaînes d’approvisionnement révélée par la crise a également posé la question de la souveraineté économique. Et face à ces défis, les entreprises sont en première ligne. Tout l’enjeu, c’est de trouver le bon tempo et un juste équilibre entre les impératifs de compétitivité, de préservation des emplois et des compétences, et de réponse au défi climatique. On le sait, toute activité produit du CO2, et tout l’enjeu est justement de réduire ces émissions. Or, produire décarboné coûte plus cher. On reproche à l’industrie européenne d’avoir délocalisé, mais ce mouvement s’est produit sous la pression des prix et des clients, parce que la compétitivité du site France n’était plus au bon niveau. Relocaliser en France ne peut se faire qu’en améliorant sensiblement notre compétitivité-coût et hors coût, tout en garantissant par ailleurs les conditions d’une concurrence équitable au niveau mondial.
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