Rencontre avec Carole Grandjean, ministre déléguée chargée de l’Enseignement et de la Formation professionnels
Quels seront les grands axes de la réforme de la filière professionnelle et comment renforcer l’attractivité des métiers ?
Dès la rentrée 2022 j’ai annoncé les grands axes qui guideront cette réforme : réduire le nombre de décrocheurs, mieux accompagner l’insertion vers l’emploi, sécuriser la poursuite d’études mais aussi accorder davantage de marges de manœuvre aux établissements. Entre octobre et janvier, des chefs d’établissements, des professeurs, des entreprises, des parents d’élèves, des élèves, des représentants syndicaux et régionaux ont travaillé à ce sujet : plus de 200 pistes ont émergé.
Mais l’attractivité des métiers se joue aussi en amont, par l’attractivité de la formation : il faudra agir collectivement en travaillant sur les représentations par la découverte des métiers prévue dans la réforme des collèges menée par Pap Ndiaye. La réforme des lycées professionnels doit aussi être une réforme de l’image des lycées professionnels et de ses débouchés.
« Notre objectif est de renforcer et développer des formations qui préparent les lycéens aux filières stratégiques. »
Qu’en sera-t-il du financement de cette filière, notamment de plateaux techniques de qualité, qui coûtent cher aux régions ?
Nous devons accompagner les transitions et adapter nos offres de formation : on ne peut pas former un technicien ou un ingénieur aux enjeux de 2030 (numérique, écologie, …) sur des plateaux techniques qui ne soient pas ceux de la réalité des métiers de demain. Dans le cadre de la réforme des lycées professionnels, j’ai donc annoncé aux Recteurs, avec Carole Delga, présidente de Régions de France, et Bruno Bonnell, secrétaire général pour l’Investissement, le lancement d’un appel à manifestation d’intérêt pour soutenir les projets innovants et participer au financement de l’adaptation des plateaux techniques aux besoins actuels et des filières d’avenir. Notre objectif est de renforcer et développer des formations qui préparent les lycéens aux filières stratégiques. Leur reconnaissance passe aussi par là.
L’apprentissage a fortement progressé dans notre pays, mais quels sont les leviers d’amélioration que vous entendez activer dans les prochains mois ?
L’année 2022 était l’année de tous les records : nous atteignons le record historique de 837 000 contrats signés en apprentissage avec de l’apprentissage à tous niveaux de qualification, dans tous les secteurs et dans tout type d’entreprise. J’ai trois objectifs pour l’apprentissage : soutenir, accompagner et réguler.
- Soutenir en pérennisant l’aide à l’embauche d’alternants de 6000 euros pour tous jusqu’en 2027 annoncée par le président de la République ;
- Accompagner le développement du nombre d’apprenti et ainsi atteindre un million d’apprentis par an d’ici la fin du quinquennat, mais aussi travailler sur la qualité des formations ;
- Réguler l’apprentissage car son formidable développement nécessite de passer désormais à un système de financement durable.
Les entreprises réclament un CPF mieux orienté sur les besoins de l’économie. Comment répondre à leurs attentes ?
C’est une demande des entreprises mais c’est aussi une demande des publics qui se forment : l’évolution du CPF n’est pas achevée. Il y a trois ans, nous avons renversé la tendance en matière de formation des actifs : les publics les moins qualifiés se sont appropriés leur parcours professionnel. Désormais, nous nous attaquons à la maturation de l’outil et à la professionnalisation des offres qui y sont présentes. Après avoir renforcé la sécurité de l’outil dans la loi cet automne, nous entamons désormais des concertations avec les partenaires sociaux sur la nouvelle forme qu’il devra prendre. Le CPF de demain doit être une réponse concrète aux besoins de l’économie et des actifs, l’usage du CPF pour les formations aux métiers en tension pouvant être renforcé. Nous étudierons la question des abondements dans le cadre d’accords d’entreprise ou de branche, tel que proposé dans la contribution paritaire.
Le CPF a vocation à devenir un tremplin vers l’acquisition de compétences stratégiques pour les métiers des secteurs d’avenir mais aussi à mieux servir de courroie pour accéder à des blocs de compétences et évoluer dans l’emploi, changer d’emploi ou encore être accompagné dans un parcours de VAE. Je pense ici à la transition énergétique et les 203 certifications qui y sont liées sur la plateforme MonCompteFormation.
« Le CPF a vocation à devenir un tremplin vers l’acquisition de compétences stratégiques pour les métiers des secteurs d’avenir. »
Qu’en sera-t-il du futur service public de la validation des acquis de l’expérience ?
Cet automne, nous avons créé un service public de la formation tout au long de la vie et inscrit dans la loi la reconnaissance des compétences acquises tout au long de la vie. Du proche aidant au bénévole sportif : toutes les compétences méritent d’être reconnues. Elles sont utiles pour répondre aux besoins des métiers en tensions ou des secteurs d’avenir.
La VAE sera transformée d’ici cet été : c’est la fin du dossier administratif et le début d’une procédure numérique en quelques clics sur un site unique. Plus simple, plus moderne, la VAE contribuera à transformer la culture de la « formation tout au long de la vie » pour cesser de séparer formation « initiale » et « continue ». Ce nouveau service public doit donner une nouvelle impulsion à la VAE et permettre de passer de 30 000 parcours de VAE par an à plus de 100 000 à l’horizon 2027.
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