Paris, capitale des congrès, inquiète pour son avenir. Entretien avec Bernard Michel, Viparis

Article paru dans #MagCAPIDF, décembre 2020

Alors que Paris confortait ses dernières années, sa place de leader sur ce segment très concurrentiel, elle est aujourd’hui frappée de plein fouet par la crise sanitaire.

L’année 2019 avait été exceptionnelle, avec une progression de 10 % du nombre de congrès organisés dans la capitale et un chiffre d’affaires de 21 Mds €, réalisés pour près de la moitié auprès de clients étrangers, selon la CCI Paris Île-de-France. 434 salons, 1 192 congrès et 1 231 événements d’entreprises, avaient ainsi accueillis près d’un million de congressistes dont 202 737 étrangers. Dans le classement annuel de l’International Congress and Convention Association (ICCA), recensant les congrès majeurs, Paris avait conforté sa première place devant Vienne, Madrid, Barcelone et Berlin. Un avenir radieux se profilait, d’autant que ces dernières années Paris s’était lancée dans une modernisation de ses équipements pour conquérir une nouvelle clientèle, avec une offre plus variée. Mais çà, c’était avant que la COVID-19 ne remette tout en cause.

Le séisme de la crise sanitaire

En septembre, le coronavirus avait provoqué l’annulation de 202 salons (117 salons professionnels et 85 grand public), soit presque la moitié du nombre de salons annuels, et une perte sèche de 5 millions de visiteurs. Ce sont 58.000 entreprises qui n’ont pas exposé sur ces salons, manquant 12,9 milliards d’euros de ventes entre exposants et visiteurs. Le territoire a raté 2,5 milliards d’euros de retombées économiques et 38 000 emplois « équivalent temps plein ». Côté congrès, ce n’est guère mieux, avec 432 événements annulés qui auraient attiré 400.000 congressistes, représentant 703 millions d’euros de retombées économiques perdus ainsi que 11 900 emplois « équivalent temps plein ». « En 2020, le secteur n’atteindra qu’à peine 40 % de son activité, et encore, le gros aura été réalisé de janvier à mars », estime Didier Kling, Président de la CCI Paris Île-de-France.

« Pas de retour à la normale avant 2022 »

Peu de visibilité à court terme

Des concepteurs de stands aux traiteurs, en passant par les hôteliers, c’est toute la chaîne logistique permettant l’organisation d’évènements qui est durement touchée, avec des milliers de salariés et d’indépendants en situation précaire. « Jusqu’à la fin de l’année, nous avons des petites manifestations qui parviennent tout juste à payer les frais fixes des sites d’expositions (gardiennage, etc.), mais c’est ce n’est pas suffisant », indique Didier Kling. Un constat d’autant plus désolant que l’Asie et la Chine en particulier, tout comme les États-Unis, continuent de travailler. La CCI fixe à 2021 le début de la reprise et un retour à la normale pas avant 2022. Dans cet horizon assombri, quelques signaux permettent tout de même d’espérer des jours meilleurs, comme l’annonce de la tenue en 2021 pour la première fois à Paris, du congrès de la Société Européenne d’Oncologie Médicale (ESMO).

 

 

Entretien avec Bernard Michel, Président de Viparis

Après avoir décroché la première place mondiale en 2019, en termes d’organisation de congrès et salons, Paris a particulièrement souffert de la crise sanitaire en 2020. Quel est le bilan de la saison en cette fin d’année ?

2020 sera une année terrible pour tout le secteur événementiel parisien. La Chambre de Commerce et d’Industrie de Paris Île-de-France a chiffré l’impact économique de la pandémie : 238 salons et 432 congrès ont été annulés, reportés ou digitalisés entre mars et décembre 2020 pour l’ensemble du secteur en Île-de-France. Des événements annulés, c’est aussi un impact économique majeur pour toutes les PME qui viennent à des salons pour exposer, rencontrer leurs clients et leurs prospects. Au total, 70 000 entreprises ont annulé leur venue ainsi que 6,6 millions de visiteurs et congressistes. Cela représente 3,8 milliards d’euros de retombées économiques perdues pour le territoire et 15,7 milliards d’euros de ventes non réalisées lors des salons.

Les autres places mondiales de congrès vivent-elles la même situation ?

Toutes les destinations ont été impactées par la crise sanitaire, d’abord en Chine et aujourd’hui tant en Europe qu’aux États-Unis.  En France, tous les rassemblements étaient déjà interdits avant le reconfinement, quelle que soit leur nature. Or, les évènements professionnels sont organisés dans des lieux adaptés permettant le respect des gestes barrière et le suivi de protocoles sanitaires stricts et validés par les pouvoirs publics. En Italie, en Allemagne les déplacements professionnels étaient considérés comme d’importance économique majeure, ce qui permettait d’éviter la quarantaine.  Une coordination serait nécessaire au niveau européen.

Comment comptez-vous rassurer les organisateurs et les persuader de revenir à Paris ?

Viparis a d’abord cherché à assurer les conditions de sécurité sanitaire optimales pour la reprise de l’activité, aussi bien pour ses collaborateurs, ses clients, les prestataires et les visiteurs. Cela s’est traduit par la création du label SAFE-V, unique en Europe et certifié par Bureau Veritas, qui garantit, sur l’ensemble des sites gérés par Viparis, le suivi de protocoles très stricts.

Préparer l’avenir, c’est aussi anticiper les nouveaux formats de rassemblements « hybrides », physiques avec une dimension numérique. La responsabilité de Viparis, c’est de penser des lieux qui soient flexibles et connectés, bien situés, avec des hôtels, des restaurants, et des commerces.

Quelles sont vos perspectives pour 2021 et vos projets de développement et de modernisation des parcs d’exposition risquent-ils d’être remis en cause ?

Un événement se prépare pendant des mois voire des années. Il est donc important que Viparis prépare la reprise dès aujourd’hui. C’est le cas du CNIT qui ouvrira ses portes au début de l’année 2022 ainsi que des sites qui accueilleront les Jeux olympiques en 2024.

 

Paru dans #MagCAPIDF