Tout le monde est impliqué dans ce défi que la Première ministre résume en une formule simple : « Des économies choisies plutôt que des coupures subies ». Un changement de mentalité qui doit s’inscrire dans le long terme, pour baisser de 10 % notre consommation d’ici 2024 et de 40 % d’ici 2050.
Reprenant bon nombre de préconisations des partenaires sociaux, le gouvernement a annoncé une quinzaine de mesures visant à limiter les consommations et anticiper les risques de délestage. Des mesures de « bon sens », déjà en place dans bon nombre d’établissements, qui portent sur les outils de mesure, de suivi et de pilotage des consommations énergétiques, mais aussi la gestion de l’éclairage, la mobilité durable et la sensibilisation aux écogestes.
Des entreprises à la manœuvre
L’objectif affiché ne manque pas de soulever des questions plus structurelles. Celles de l’efficacité énergétique des bâtiments, de l’efficience des modes de production et de distribution d’une énergie décarbonée, avec un mix diversifié énergétique passant notamment par le renforcement de la filière nucléaire, en coordination avec les autres sources de production d’énergie, comme le rappelle le MEDEF. En attendant, les différents secteurs d’activités ont lancé des groupes de travail pour formuler des propositions concrètes. C’est le cas de l’industrie, sur les processus de fabrication, les chaînes logistiques et l’organisation du travail au sein des entreprises. « Nous allons adapter nos programmes de production en jouant sur les stocks de produits finis ou les arrêts pour entretien, pour réduire la production et rendre de l’électricité au réseau », indique Nicolas de Warren, président de l’Union des industries utilisatrices d’énergie (Uniden). France Logistique recherche à optimiser les distances parcourues dans les entrepôts et à mutualiser les moyens de transport, tout en rappelant l’urgence de décarboner les véhicules. Du côté des assurances, l’un des leaders du secteur, CNP Assurances a choisi de s’engager dans la démarche Ecowatt, portée par RTE et l’Ademe, qui assure le suivi du niveau de consommation et alerte sur les périodes en tension, pour réduire de 30 % la consommation d’électricité de ses locaux. La RATP a lancé la chasse aux économies avec plusieurs pistes utilisées : ralentir la vitesse des escalators, optimiser l’écoconduite, baisser la consommation des luminaires… Il est vrai qu’il y a urgence. La facture énergétique déjà salée a augmenté de 33 % en 2022 avec 280 M €.
Des craintes sur l’activité des PME et des ETI
La flambée de la facture énergétique et la nécessité de réduire la consommation tourne au casse-tête pour beaucoup de dirigeants de PME, qui auraient apprécié un étalement des factures. Laurent dirige une entreprise de peinture industrielle dans l’Essonne. Ses deux fours sont très gourmands en énergie. 6 heures par jour ils cuisent les pièces à 190 degrés. Fin janvier, il doit renouveler son contrat d’énergie et selon ses premières prévisions, la note sera multipliée par dix, soit 150 000 € supplémentaires de facturation. « Sur un chiffre d’affaires d’1,3 M € ce n’est pas soutenable », insiste-t-il. Il aurait besoin d’embaucher deux personnes pour faire face à l’augmentation du carnet de commande, mais en l’état il perdrait la protection du bouclier tarifaire accordé aux entreprises ayant moins de 2 M€ de chiffre d’affaires et moins de 10 salariés. À la tête d’une imprimerie dont la facture énergétique atteindra 600 000 € en 2023, Olivier envisage de concentrer la production sur une seule machine, au risque de réduire sa production et de perdre des clients. Selon le baromètre Palatine-METI, une ETI sur 2 anticipe une augmentation de sa facture énergétique de plus de 50 % en 2022 par rapport à 2021 et de plus de 100 % en 2023.
« Le MEDEF reste attaché à la mise en œuvre au niveau européen d’une solution de découplage de type ibérique, permettant un plafonnement du prix du gaz dédié à la production d’électricité. La seule mesure ayant un effet immédiat sur le prix de l’électricité. »
Les aides
Face à l’explosion du montant des factures, le gouvernement a mis en place un dispositif d’aide, prolongé en 2023, dont peuvent bénéficier les entreprises dès qu’elles enregistrent une baisse de la marge opérationnelle (l’excédent brut d’exploitation) sur un mois. Ces aides s’adressent aux entreprises fortement consommatrices d’énergie, dont la facture pèse au moins 3 % du chiffre d’affaires et a augmenté de 50 %. Concrètement, 50 % du prix sera limité à 40 € le mégawattheure. Les PME vont bénéficier d’un dispositif permettant d’économiser 10 à 25 % de leur facture d’électricité. Le gouvernement va prendre en charge 50 % de la part des factures des entreprises soumise aux prix des marchés de gros de l’électricité, lorsque celui-ci est supérieur à 325 euros le mégawattheure et jusqu’à un plafond de 800 €. L’autre moitié continuera à être facturée au prix régulé de 42 €. Le bouclier tarifaire est confirmé en 2023 pour les TPE de moins de 10 salariés, qui réalisent moins de 2 M€ de chiffre d’affaires et qui disposent d’un compteur électrique d’une puissance inférieure ou égale à 36 kVA (1,5 million de TPE concernées). Un guichet unique facilite l’accès à ces aides. La Région Île-de-France a choisi d’accompagner les entreprises à travers une dizaine d’aides actionnant différents leviers comme l’innovation, l’acquisition de véhicules propres, la production de chaleur renouvelable ou le zéro déchet. L’Europe est parvenue à un accord pour récupérer une partie des profits des producteurs d’énergie afin de les redistribuer aux consommateurs (le plafond est fixé à 180 euros par mégawattheure et la différence entre ce niveau et le prix de gros du marché sera récupérée par les États).
À LIRE : Fiche pratique « Sobriété énergétique : les écogestes »
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